Agriculture de conservation des sols Le semis simplifié pour alléger ses charges et enrichir ses sols
Damien Schelfhout et Jean-Marc François, agriculteurs à Chaudefontaine, dans la Marne, ont choisi la voie du semis simplifié sur leurs exploitations respectives. Pour implanter leurs céréales, tous deux ont également opté pour des semoirs à dents du constructeur anglais Claydon.
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Fini le labour ! 2016 fut une année de transition pour Jean-Marc François et Damien Schelfhout, deux agriculteurs installés à Chaudefontaine, dans la Marne. Le premier, cogérant du Gaec de la Léchère avec son frère Bruno, déjà un peu engagé dans la simplification du travail du sol avec l'utilisation d'un semoir à disques, a eu une véritable prise de conscience.
« Cette année-là, j’ai eu peur ! Les rendements étaient catastrophiques dans le secteur à cause d’un excès d’eau : 40 quintaux en blé, contre un peu plus du double au cours d'une année classique. Je me suis dit : “Réveille-toi, tu as peut-être trop de matériels dans la cour.” »
La revente des équipements s’enchaîne. Fini la charrue, la herse rotative, le croskill et les outils conventionnels. Le passage en technique culturale simplifiée (TCS) est décidé. Les charges de mécanisation baissent alors de 80 %. Les deux associés réalisent aujourd’hui la totalité des travaux sur 350 ha, dont 300 ha de cultures et 50 ha de prairies. Un tracteur Deutz TTV 7250 de 250 ch, auquel est attelé un semoir Claydon Hybrid de 4 m, suffirait presque à la tâche. L'exploitation en compte néanmoins deux autres, l'un dédié au pulvérisateur, et l'autre, en location, en cas de « coup de bourre ». Sur l’exploitation du second, Damien Schelfhout, associé avec son frère, Rémi, et son père, Olivier, au sein de la SCEA Schelfhout Varoquier, c’est un peu le même constat, avec une même volonté de conserver les marges de l’exploitation en optimisant les charges opérationnelles et de structure. Aujourd’hui, les trois associés gèrent 270 ha auxquels s’ajoutent 150 ha en prestation de semis. Entre les céréales et les couverts, ce n’est pas moins de 450 ha de semis réalisés chaque année avec un John Deere 8200 et le semoir Claydon V-Drill de 3,5 m qui totalise 9 000 ha de semis.
Deux générations de semoirs, une seule philosophie
À Chaudefontaine, deux générations de semoirs à dents Claydon sont donc présentes. Celui de Jean-Marc François, l'Hybrid M4RF, date de 2021. Il est composé de deux rangées de semis et d’une double herse peigne arrière pour le rappuyage. Fabriqué en 2003, le modèle V-Drill de Damien Schelfhout est le cinquième semoir produit par la société Claydon et le premier arrivé en France. Il se dote du système à doubles dents (fissuration et semis) breveté par le constructeur, dont les éléments, disposés en « V », sont suivis de roues de rappui.
Quel que soit le modèle, le principe reste le même : une dent fissuratrice suivie d’une dent semeuse. La première, à sécurité mécanique à boulon de cisaillement ou non-stop hydraulique, crée un travail vertical localisé. Elle est suivie d'une dent semeuse équipée d’un soc de type patte-d’oie pour un semis en « bande ». Ces conditions sont optimales pour le développement de la culture, et les agriculteurs apprécient la structuration du sol localisée. Sur le semoir, la dent fissuratrice est réglable en profondeur.
« Celle-ci cherche à rentrer naturellement dans le sol. J’ai pu semer mon colza avec une fissuration à 10 cm de profondeur », précise Jean-Marc François.
Les semis de soja de Damien Schelfhout sont eux aussi bien implantés grâce à cette fissuration, et l’écartement de 32 cm au semis lui paraît idéal. Point très important, la conception des semoirs à double cuve permet d'enfouir deux produits à des profondeurs différentes, par exemple un engrais ou une double graine (pois, féverole) derrière la fissuration et une autre culture vers la patte-d’oie.
« L’engrais DAP 18/46 est ainsi rapidement disponible pour les besoins de la culture, dès le démarrage de la pousse et sans risque de brûler la plantule », indique Damien Schelfhout.
La dent fissuratrice aurait d’autres vertus.
« Elle draine mieux les excès d’eau au printemps, et les terres sont moins resserrées », constate l'agriculteur, dont les parcelles hydromorphes et en bord de rivière sont parfois inondées.
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De plus, la dent fissuratrice dérangerait les campagnols.
« J’avais beaucoup plus de campagnols avec mon semoir précédent à disques », ajoute-t-il.
Les limaces dans ce système simplifié ne sont pas plus présentes qu’auparavant avec une bonne gestion des résidus.
« Les bobines, de chaque côté sur le modèle porté, sont facilement accessibles, et le dosage est très précis », souligne pour sa part Jean-Marc François.
Les deux agriculteurs mettent en évidence la conception simple de la machine dont l'entretien, comprenant un graissage peu fréquent en cinq ou six points, s'avère réduit.
Les pratiques culturales au service de la vie du sol
Les cultures présentes sur les deux exploitations sont le colza, le blé, l'escourgeon, le maïs, la luzerne, le tournesol et les betteraves sucrières. Damien Schelfhout produit en plus du soja, des pois de printemps, des féveroles et du sarrasin. Les deux exploitants ont eu l'agréable surprise de ne constater aucune chute de rendement lors du passage à la TCS. Ils font le nécessaire pour conserver la matière organique en restituant les pailles à la moisson et voient petit à petit les terres se recolorer avec le temps.
« La gestion des pailles est primordiale pendant et après la récolte, tant en volume qu’en répartition. Celles-ci ont été très abondantes cette année, avec 6 ou 7 t/ha. L’investissement dans une herse à paille est à l’étude pour améliorer leur répartition et les incorporer à la couche superficielle du sol. »
Les couverts sont majoritairement détruits de façon mécanique ou par un passage de glyphosate quelques jours avant le semis suivant. Avec son semoir Claydon, Jean-Marc François sème en direct son blé derrière les betteraves sucrières. Les deux agriculteurs sont unanimes, ils ne repasseraient pas la charrue dans leurs champs.
« On voit une réelle amélioration de la vie du sol », souligne Damien Schelfhout.
« En réutilisant ne serait-ce qu’une fois la charrue, on détériorerait fortement cette vie », ajoute Jean-Marc François.
Moins de chimie sans dégradation de l’état sanitaire
En 2016, Damien Schelfhout et ses deux associés se sont posé la question de passer en système biologique. Sans faire le pas de la certification, ils optent pour un système plus respectueux de l’environnement, avec moins de passages d’outils et moins de produits phytosanitaires. De cinq fongicides en 2016, ils réduisent ce nombre à 0 en 2017, et suppriment les régulateurs. Aujourd’hui, leur indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) est inférieur à 2, quand la moyenne régionale est au-dessus de 6.
« L’axe “herbicide” est le plus délicat à réduire. Je souhaite optimiser le semis direct sans glyphosate, ce qui est par ailleurs déjà mis en pratique pour les semis de blé suivant un tournesol ou un soja, et par le binage des céréales » précise Damien Schelfhout.
La conception du semoir joue également dans ce sens. L’interrang important de son Claydon V-Drill (32 cm) rend possible le binage et limite la propagation des maladies fongiques par la réduction du contact interfoliaire.
« Mon semoir est la clé de voûte de ma transition agroécologique », conclut l'agriculteur.
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